Banques : ce que finance vraiment notre argent

Le 29 octobre dernier s’est déroulé le Climate Finance Day suivi de la semaine de la finance solidaire du 2 au 9 novembre 2020 organisée par Finansol. Et pour couronner le tout, Oxfam vient de sortir son nouveau rapport sur les banques, et ça secoue. Bref, de multiples occasions pour parler d’argent responsable !

Si tu ne le sais pas encore, tiens-toi bien ! Ton épargne a un impact bien plus important que tous tes petits gestes du quotidien : se déplacer en vélo, arrêter la viande, opter pour une énergie verte, réduire le plastique, consommer autrement, etc. 

Allez, je t’embarque avec moi, c’est le moment de mettre le nez dans le monde farfelu de la finance.

Les banques classiques financent les énergies fossiles 

Le constat d’Oxfam 

Le rapport d’Oxfam lève le voile sur l’empreinte carbone des 6 principales banques françaises :  BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE, Crédit Mutuel et la Banque Postale . Cumulées, cela représente près de 8 fois les émissions de gaz à effet de serre de la France entière, soit 3,3 milliards de tonnes équivalent CO2 par an.

Schéma réalisé par Oxfam – 2020

Le résultat est sans appel, notre argent représente notre premier poste d’émission de CO2 et pollue plus que notre propre consommation. Pourquoi ? Car il finance les industries polluantes comme le charbon, le pétrole, la surexploitation des forêts et bien d’autres projets écocides.

Tu veux des exemples concrets ?

Schéma réalisé par Oxfam – 2020

Ce constat est valable si l’on estime que les français.es ont en moyenne 25 000 euros sur leurs comptes (courant et épargne).

Bon, ce n’est évidemment pas le cas de tout le monde. Le sujet des banques concerne ceux.celles qui peuvent déjà changer de banque. Beaucoup trop de personnes n’ont pas d’épargne à placer ou dépendent de crédits.

L’occasion de rappeler que la crise environnementale est étroitement liée à la crise sociétale

Notre argent soutient une économie carbonée

Quand tu laisses de l’argent de côté sur un compte bancaire, sache que ton épargne ne dort pas sagement pendant 20 ans. Bien au contraire, cet argent se balade et dans des coins pas toujours sympathiques. 

En gros il est réinvesti dans des projets d’entreprises, et des projets qui sont bien souvent destructeurs pour l’environnement

Difficile pour les épargnant.es d’y être sensibilisé.es, le monde de la finance est très opaque et semble atrocement compliqué. Chose qui arrange les banques, pour qui la finance aurait beaucoup moins de succès si nous étions tous.tes conscient.es de la face cachée de nos placements

Car aujourd’hui, le constat est alarmant. Les quatre principales banques françaises orientent 70% de leurs financements énergétiques vers le fossile, 20% dans le renouvelable et 10% dans le nucléaire.

Petit reminder, les énergies fossiles sont responsables de 80% des émissions de CO2 mondiales.

Et ta banque, elle se situe où dans tout ça ? 

Classement réalisé par les Amis de la Terre – 2015

Le secteur de la finance à contre-courant de l’accord de Paris 

Nos investissements vont complètement à l’encontre des objectifs de l’accord de Paris, c’est-à-dire, limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C. Bien au contraire, ils nous amènent tout droit dans le mur avec une trajectoire de plus de 4 degrés.

« Les chiffres font clairement froid dans le dos en même temps qu’ils font exploser le thermomètre »

Alexandre Poidatz, auteur du rapport d’Oxfam. 

Quatre degrés ça veut dire quoi ? Des risques de feux de forêt qui augmenteraient de plus de 40 %, le niveau de la mer qui grimpe en moyenne de 40 centimètres à un mètre le long des côtes françaises, des inondations qui surviennent plus de cinq fois par an à Nantes, Bayonne et Dieppe,  des vagues de chaleur en région parisienne qui s’étendent de 21 à 94 jours, contre 7 aujourd’hui. Je te laisse imaginer le reste des dégâts partout ailleurs dans le monde. 

Si tu veux davantage de chiffres, je t’invite à livre « La terre inhabitable » de David Wallace-Wells, qui nous explique comment nous « vivrons » avec 4 degrés de plus. Le programme n’est pas très réjouissant et nous avons tout intérêt à inverser la tendance. 

Le greenwashing qu’on ne veut plus voir 

En plus d’être responsables d’écocides majeurs, les banques se permettent de communiquer de manière trompeuse sur leurs intentions. À en croire leurs slogans ou campagnes de com’, les banques classiques sont les exemples à suivre sur la préservation de l’environnement

Aujourd’hui, il n’existe pas de règle consensuelle et internationale sur ce qui peut être considéré comme projet éthique, solidaire, vert ou responsable… L’occasion pour les banques classiques de s’y donner à coeur joie dans la pratique du greenwashing

Bien sûr, les banques françaises commencent progressivement à se rendre compte du problème. Depuis la COP21 en 2015, les banques classiques se sont toutes engagées publiquement à s’aligner avec l’Accord de Paris. Pourtant, aucun acteur financier ne s’est réellement engagé à réduire son empreinte carbone. 

Il faut aussi comprendre que changer du jour au lendemain entrainerait des conséquences radicales pour les citoyen.nes. Financer les projets carbonés nous permet pour l’instant de nous déplacer, nous chauffer, nous soigner, communiquer. Arrêter subitement serait un choc pour une grande partie de la population. 

Cependant, les banques ont un devoir. Un devoir d’accélération, afin de placer leur trajectoire en accord avec les objectifs fixés par l’accord de Paris en finançant des projets responsables

Alors si on arrêtait le greenwashing pour se lancer sincèrement dans la transition

L’avenir de la finance éthique   

La finance éthique, qu’est-ce que c’est ? 

La finance éthique, également appelée Investissement Socialement Responsable (ISR), intègre une vision bien plus intéressante et intelligente que la finance classique. La clé de son succès ? Des critères extra-financiers enfin pris en compte dans les décisions de placement avec des conditions sociétales et environnementales.

Avec cette finance alternative, tes emprunts servent donc à financer des projets « verts » dans le secteur de la transition écologique comme par exemple dans l’énergie renouvelable, les véhicules propres, des projets anti-pollution. Ou encore des projets « solidaires« , qui financent des activités d’insertion en rapport avec l’emploi, le logement et le social mais aussi des activités liées à la solidarité internationale. 

L’économie toujours au coeur du processus

Comme pour le développement durable, la finance éthique peut s’apparenter à un bel oxymore. Il ne faut pas oublier que tous types de finance, éthique ou non garde un dénominateur commun qui est le critère économique

Ce qui est intéressant ici, c’est que ce type de finance essaye également d’intégrer trois autres dimensions de performance : environnementale, sociale et de gouvernance

Bref, c’est une finance citoyenne qui est connectée au réel, vecteur d’emploi et de nouveaux moyens de consommer. Une finance avec des moyens davantage alternatifs et moins productivistes.

Projets à impact sur GoodVest

Et oui la finance éthique ne dégrade ni la performance ni la rentabilité, bien au contraire. 

Les projets éthiques risquent moins de boycotts ou de procès. Les entreprises sont également moins impactées par les nouvelles réglementations sociales ou environnementales qui peuvent voir le jour.

Après le greenwashing, le fairwashing 

Pendant des années, les marques s’y sont donné à coeur joie en termes de communication dédiée à leur soi-disant impact neutre ou positif sur l’environnement. Aujourd’hui, certaines entreprises ont bien compris que la tendance penchait également sur l’éthique

Les nombreux scandales ont sensibilisé les populations et ont poussé les marques à s’engager à leur tour. Pourtant le respect du droit des travailleurs et des droits sociaux sont des sujets qui reviennent plus souvent dans leurs stratégies marketing que dans leurs véritables actions.

Le blanchiment éthique ou, sous son nom anglais, le fairwashing devient omniprésent. 

Si l’éthique est bel et bien une notion très subjective, il ne faut pas non plus tromper le consommateur avec de faux combats

Le cas le plus connu reste celui de Samsung, qui comme de nombreuses multinationales finance ses projets avec nos épargnes et investissements. 

Encore une fois les cadres juridiques pour définir une entreprise éthique ou non sont très flous. Il ne faut donc pas se laisser berner par la communication et investiguer

Changer de banque pour changer de monde

Le pouvoir du citoyen 

Requestionner l’argent 

D’où vient-il, à quoi sert-il ?

Comme pour n’importe quelle transition, il est important de comprendre l’enjeu global

Pour cela, il est fondamental de questionner notre rapport à l’argent. Sortir notre carte bleue est le premier moyen de subvenir à nos besoins. Et si on faisait en sorte que ce soit le dernier ? 

Les prêts, les dons, les systèmes d’échanges locaux créent du lien dans un tissu local. Passer de consom’acteur à acteur tout court, est une bonne manière de militer en tant que citoyen.ne. 

Inverser la tendance en finançant des projets à impact positif

Une fois que nous avons requestionné la place de l’argent, c’est le moment de découvrir qu’il peut également financer des initiatives durables. Tu peux aller jeter un coup d’oeil sur les plateformes comme Ulule, Kisskissbankbank, Miimosa, Goodvest, Blue bees, Les Cigales, Lita et Terres de lien qui soutiennent des milliers de projets tous aussi inspirants les uns que les autres. Tu l’auras compris il existe de nombreux moyens d’épargner et d’investir différemment. 

Et surtout n’oublions pas que l’argent n’est pas une fin en soi mais un moyen. Un moyen d’accélérer la décarbonation et propulser la solidarité par des choix, d’investissements, d’épargne, de financements, etc. 

Changer de banque

Si les banques mettent du temps à bouger, c’est aussi à nous de crier haut et fort ce que nous voulons, ou plutôt ce que nous ne voulons plus ! Et cela passera peut-être par changer de banque. 

GreenGot

Avant de te lancer dans cette démarche, renseigne-toi sur ce que fait réellement ta banque. Ce n’est pas évident quand la plupart des onglets RSE clament haut et fort leur soi-disant engagements irréprochables. Heureusement de nombreuses ONG sont là pour mener des études et dénoncer les méthodes de greenwashing ou fairwashing. 

La seconde étape est d’interpeller ton ou ta conseiller.e pour l’interroger sur les rapports que tu viens de lire. Même si il ou elle te renvoie encore sur des infos mensongères, le fait de lui montrer ton intérêt et engagement est un signal fort qui sera forcément remonté aux directions. 

Enfin, si tu n’es toujours pas satisfait, change de banque ! Car oui, il existe des banques éthiques.

Les banques éthiques

La finance éthique est restée de nombreuses années au placard. Chose complètement révolue avec la fleuraison de nombreuses banques éthiques. 

Les banques coopératives déjà bien en place

Comme pour beaucoup d’autres secteurs, les coopératives semblent être la solution pour une finance transparente et humaine. 

Comment ça marche ? Les banques ne prennent pas leurs décisions en fonction de leurs actionnaires mais de leurs clients qui y sont sociétaires

Aujourd’hui les banques coopératives sont d’ores et déjà bien implantées dans le système bancaire en France.

La transparence avec la Nef

La Nef est une coopérative éthique et solidaire qui existe depuis 1988. C’est la seule banque en France qui met à disposition des produits d’épargne et des prêts visant à promouvoir l’utilité sociale, écologique et culturelle des projets financés.

Ce qui est intéressant chez La Nef, c’est que cet organisme est le seul à être 100% transparent sur les financements effectués, avec un rapport annuel. 

Rapport annuel de la Nef

Le hic c’est que La Nef n’a pas encore d’agrément bancaire pour proposer des comptes courants aux particuliers…

Crédit coopératif, la doyenne des banques éthiques 

Le Crédit Coopératif a été créé en 1893, il y a 127 ans ! Ici pas de promesse de rendement mais bien d’utilité publique. Les fonds des client.es sont utilisés au profit d’associations, d’entreprises ou de projets utiles à la société ou à l’environnement.

Comme pour La Nef, le Crédit Coopératif possède des sociétaires et non des client.es. Chaque personne a sa voix, ce n’est pas le nombre de parts qui déterminent l’influence de telle ou telle personne dans l’entreprise. 

Ce qui me dérange ici c’est que le Crédit Coopératif appartient au groupe BPCE, qui lui ne fait pas d’efforts nécessaires dans les enjeux sociaux et environnementaux. Le crédit coopératif est également moins transparent que La Nef concernant l’allocation de ses fonds. 

Crédit Coopératif

Le boom des néobanques éthiques

Après le succès des néobanques classiques (résolut, N26, monzo…) c’est au tour des néobanques éthiques de voir le jour et de révolutionner le marché.

GreenGot, Helios, Onlyone, sont des banques éthiques et 100% mobiles qui arrivent très prochainement. Tu peux d’ores et déjà te pré-inscrire à l’une d’entre-elles pour révolutionner le monde de la finance à leurs côtés. 

Pour la réalisation de cet article, j’ai eu la chance de pouvoir échanger avec Maud, co-fondatrice de Green Got. Elle m’a fait part de tous les challenges derrière la création d’une néobanque. En effet, si ces banques sont de plus en plus nombreuses, cela ne veut pas dire que c’est simple comme bonjour de les faire naître. Bien au contraire. 

Le secteur bancaire est très réglementé, et c’est tant mieux pour notre sécurité ! Voilà pourquoi les banques en ligne commencent au départ avec des prestataires technologiques afin de valider de nombreuses parties juridiques et réglementaires. L’ambition sur le long terme est bien évidemment d’être autonome, mais cela prend du temps. 

Les ressources utiles pour se lancer 

Les rapports 

C’est grâce aux rapports d’ONG que l’on peut réellement rentrer dans le vif du sujet. Lire des articles et revues est toujours utile mais parfois il faut rentrer dans le vif du sujet pour réellement voir le bout de l’iceberg. 

Concernant les banques, les Amis de la Terre et Oxfam France font un travail formidable. Tu peux donc aller creuser le sujet avec : 

Les labels

Un autre moyen de savoir si ton épargne est engagée dans des financements éthiques est de se référer aux labels. Ça ne fait évidemment pas tout, mais c’est déjà un bon pas en avant. 

Le plus connu est le label Finansol. Son but est de certifier le caractère solidaire et transparent d’un produit financier. 

Le label Greenfin est le premier label d’Etat créé en 2015 suite à la COP21. Il certifie les activités de transition écologique et énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique (énergie, bâtiment, contrôle des déchets et gestion de la pollution, industrie, transport propre, technologies d’information et de communication, agriculture et forêts, adaptation au changement climatique). Il exclut les fonds qui investissent dans les énergies fossiles et nucléaires et exige une certaine transparence.

Et enfin le label ISR, créé en 2016 et soutenu par le ministère des Finances, a pour vocation de rendre plus visible les produits d’investissement socialement responsables (ISR) pour les épargnants en Europe. 

Rift, l’app qui calcule l’impact de ton argent 

Les écogestes ce n’est pas que réduire, c’est aussi là où on met notre argent. Bien souvent, avec les calculateurs d’empreinte carbone (global footprint network, WWF) le sujet des banques n’est même pas soulevé. Ce qui fausse complètement le calcul. 

Heureusement, l’application Rift est là pour mettre les pendules à l’heure. Le concept ? Obtenir de la transparence sur l’utilisation de notre argent sur nos comptes (courant, livret A, LDDS, assurance-vie, etc.). Mais pas que. 

Avec Rift, tu peux reprendre le contrôle de ton épargne avec des critères personnalisés. 

Réorienter nos économies est un défi vital qui est à la fois climatique et social. Et pour ça, la finance doit devenir un élément moteur de cette transition. 

Quant à nous, ne minimisons pas notre impact individuel qui est également primordial dans ce changement de modèle. 

Le collectif et les actions citoyennes sont également nécessaires pour inciter les pouvoirs publics à contraindre les banques à se désengager des projets écocides.

Pour que notre épargne et nos investissements soient le reflet de nos convictions et préoccupations, il faut se renseigner et s’engager auprès d’institutions responsables. 

Cela ne changera pas ton quotidien mais pourra peut être changer l’avenir du monde, qui sait ? 

3 commentaires sur « Banques : ce que finance vraiment notre argent »

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