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L’écoféminisme est une convergence des luttes, celles du féminisme et de l’écologie.
Aujourd’hui les connexions entre ces deux combats me semblent limpides, mais ce n’était pas forcément le cas avant de me plonger dans le sujet. Alors, à vous qui découvrez peut-être cette nouvelle notion. Laissez-vous le temps d’y réfléchir quelques minutes. Avez-vous déjà détecté des mécanismes semblables entre oppressions des femmes et dominations des Hommes sur la nature ?
Allez, je vous explique tout !
Environnement et égalité des genres, même combat ?
Écoféminisme et ses analogies à la pelle
Si tu as déjà participé à une marche pour le climat, tu as forcément dû croiser sur ton passage ce genre de pancarte :

De plus en plus de personnes font ce fameux rapprochement entre écologie et féminisme. Et ce n’est pas un hasard ! Entre agression industrielle et agression physique, destruction environnementale et violence des hommes à l’encontre des femmes, la liste des parallèles est encore longue.
Un courant philosophique, éthique et politique soutient même qu’il y a des liens indissociables et des causes communes entre différents systèmes. Notamment celui de la domination et de l’oppression des femmes par les hommes et les systèmes de surexploitation de la nature par les Hommes, cette fois-ci avec un grand H.
En conséquence, l’écologie nécessiterait de repenser les relations entre les genres en même temps qu’entre les humains et la nature.
Ce qui implique donc directement de se libérer du capitalisme et du patriarcat.

Premières impactées, premières mobilisées
En analysant la crise écologique en matière de justice environnementale, le constat est frappant. Tous les êtres humains ne sont pas responsables de ce désastre au même titre et tous les êtres humains ne sont pas victimes de ses conséquences de la même intensité.
Vous saviez que les femmes sont plus touchées par la crise climatique que les hommes ? Oui la crise climatique touche durement différentes catégories de populations, et les femmes en sont davantage victime.
D’après l’ONU, les femmes seraient globalement plus vulnérables face aux conséquences du réchauffement climatique que les hommes. “Sécheresses, désertification, inondations sont aussi autant de menaces sur les activités agricoles dont les femmes ont majoritairement la charge, alors même qu’elles produisent dans certains pays jusqu’à 80 % de l’alimentation. Quand une catastrophe naturelle frappe une région, le risque de décès est 14 fois plus élevé pour les femmes”.
Les femmes sont donc plus sujettes à se retrouver réfugiées climatiques.
Sortir des stéréotypes de notre société genrée
Le problème ce n’est pas les hommes en tant que tels mais la façon dont les rapports hommes/ femmes se structurent dans une société patriarcale.
Je ne vais pas vous citer tous les clichés que l’on nous met dans la tête tout petit.e. Cependant, un petit extrait s’impose pour mieux comprendre la suite ! Bien avant leur naissance, les petites filles sont assignées bien souvent à la couleur rose, elles doivent être douce, gracieuse, gentille, attentionnée, souriante. Et pour les petits garçons, tout l’inverse : le bleu sera de nombreuses fois privilégié, comme jouer aux voitures, se bagarrer, être intelligent, compétiteur, etc.
Le problème, c’est que ces enfants se construisent sur ces stéréotypes et deviennent des adultes avec une vision faussée et différente selon le sexe de la réussite sociale. Concernant les comportements – sensés- masculins et viriles, (de manière très schématisée et exagérée) ils offrent le droit à un pouvoir de prédation sur l’environnement, en acquérant par exemple une grosse voiture polluante, en mangeant de gros beefsteacks saignants, en prenant l’avion le plus souvent possible, en faisant une belle carrière et se retrouver à la tête d’une entreprise qui n’a aucune éthique.
Les injonctions sociales sont nombreuses, et faciles à intérioriser mais bonne nouvelle, il n’est jamais trop tard pour déconstruire tout ça !
Alors attention, les écoféministes ne veulent pas d’une égalité où les femmes ressemblent à ces hommes. Et ainsi récupérer le droit d’être violente, d’exploiter les autres, d’avoir des jobs à hautes responsabilités dans des entreprises écocides. Ce féminisme libéral est vu comme un échec, et se résumerait à améliorer la condition de certaines femmes dans un système dédié aux privilégié.e.s.
L’histoire de l’écoféminisme
Le lien entre les femmes et la nature n’est pas apparu comme par magie. Une construction de la métaphysique grecque établit que le principe féminin est lié à la matière / terre en raison de ses fonctions de reproduction, et celui de l’homme à la technique / culture. Évidemment, cette identification pousse à considérer la femme comme fiable, dénuée de droits civiques qui s’exclut des lieux de pouvoir et d’instruction.
Francis Bacon, philosophe du XVII a d’ailleurs bien souligné ce courant de pensée quand il disait : « la nature est une femme publique. Nous devons la mater, pénétrer ses secrets et l’enchaîner selon nos désirs ».
Ce type de pensée négligeant la femme ainsi que la nature, il y en a eu à la pelle.

L’américaine Rachel Carson a déployé en 1962 les racines des pensées écoféministes dans Silent Spring (Printemps Silencieux). Puis le mouvement a continué à se déployer aux États-Unis, dans les premières manifestations antinucléaires et antimilitaires des années 1970.
Car c’est bien dans ces années 1970 que l’écoféminisme est né, de la rencontre de différents mouvements sociétaux : féministes, pacifistes et écologiques.
D’origines anglo-saxonnes, le terme « écoféminisme » a été introduit en France pour la première fois en 1974, grâce à l’ouvrage de Françoise d’Eaubonne Le Féminisme ou la mort. D’après cette militante française féministe et cofondatrice du Mouvement de Libération des femmes (MLF) :
« Le drame écologique découle directement de l’origine du système patriarcal »
Françoise d’Eaubonne
En 1980, une action clé de ce courant pacifiste, antinucléaire, féministe, voit le jour quand 2000 femmes entourent le Pentagone et s’enchaînent à ces grilles. Certaines, déguisées en sorcières s’amusaient même à jeter des sorts.
L’écoféminisme aujourd’hui
Aujourd’hui l’écoféminisme est un large mouvement qui s’étend à travers le monde et qui vise à redonner des droits aux femmes et à la planète.
L’usage de ce terme est très diversement revendiqué et le mouvement global a bien évolué. Si au départ, nombreuses étaient à se positionner contre l’idée de ressemblance nature/ femme, aujourd’hui elles se réapproprient leurs relations à la nature librement consentie. Justicières de la Terre, les émancipatrices sont plurielles.
Pas de courant unique
L’écoféminisme est loin d’être un dogme figé. Comme pour les mouvements écologiques ou féministes, une grande diversité existe.
Dans les pays développés, l’écoféminisme est davantage culturel, tandis que les pays de l’hémisphère Sud l’aborde plutôt comme une spiritualité articulée aux mouvements altermondialistes – mouvements promouvant l’idée qu’une autre organisation du monde est possible et qui, sans rejeter la mondialisation, se proposent de la réguler.
Un mouvement socio-économique
Vandana Shiva, figure internationale de l’écoféminisme ayant reçu le prix Nobel alternatif en 1993 représente ce mouvement altermondialiste.

Elle dénonce de la même manière la domination des hommes sur les femmes, c’est-à- dire le patriarcat, que la domination du Nord sur le Sud.
Le défi ? Libérer les femmes, assimilées et ajoutées à la nature, de l’emprise socioéconomique et technologique des hommes.
Dans un registre plus démographique, Françoise d’Eaubonne quant à elle nous alerte dès les années 70 de la surpopulation, l’une des causes principales de la dégradation environnementale.
Or celle-ci est un problème féministe à partir du moment où toutes les femmes n’ont pas le contrôle de leur fertilité. Ce qui nous amène à un autre constat : la réduction des naissances est un enjeu clé à la fois pour les femmes et l’environnement.
Une pensée ésotérique
Le deuxième mouvement principal de l’écoféminisme, dont l’une des figures de proue est Starhawk, reste plus mystérieux et rassemble un certain nombre d’auteur.rice.s puisant leur inspiration dans les courants religieux. Ils et elles considèrent la femme comme « une entité proche de la Nature, Terre-Mère » et aspirent à des croyances qui n’instaurent pas un rapport de domination entre les hommes et les femmes, ainsi qu’entre les êtres humains et la nature. Le défi ? Aller au-delà d’une compréhension hiérarchisée et dualiste du monde.
L’écoféminisme reste encore à écrire
L’écoféminisme oui, la charge mentale non
Si les femmes des zones du Sud sont les premières victimes du réchauffement climatique, celles du Nord sont aussi celles qui, au sein des foyers, détiennent la plus grosse part de charge mentale. Une charge mentale à laquelle s’ajoute, de par la conscience écologique, une « charge morale ».
Plus « inquiétant » encore, on s’aperçoit rapidement que l’engagement est lui aussi bien genré. Pour la part des hommes s’interessant aux causes environnementales, la plupart vont se tourner plus naturellement vers des actions politiques. Quant aux femmes, elles en restent généralement aux fameux écogestes et astuces zéro déchet.
Et ce n’est un hasard, ces nouvelles missions sont énergivores et impliquent surtout de s’occuper de manière chronophage du « foyer », et d’en rester, donc, à la sphère privée.
Après les tâches ménagères, l’écologie se rajoute à la grosse pile qui construit la charge mentale portée en majorité par les femmes.
En voici quelques exemples : décrypter les étiquettes, fabriquer ces propres produits ménagers, faire la chasse aux ingrédients problématiques et dangereuse dans nos cosmétiques, faire ses courses dans trois endroits différents pour rester dans une démarche de circuit court et biologique, courir après les recettes et astuces de grand-mères, organiser des vacances zéro-carbone… je peux en écrire encore des pages et des pages !
Pourquoi incomberait-il aux femmes de réparer les dégâts d’un système qui met l’humain en danger avec ses pratiques virilistes ?
La révolutionnaire Emma
D’après elle, se sacrifier au niveau individuel et s’épuiser à trier nos déchets ne changera rien, Nous avons besoin d’un soulèvement de masse et d’une réappropriation du débat politique !
Réhabiliter, se réapproprier, réinventer
Domination, infériorisation, exploitation, surexploitation , oppression, dévaluation, dévalorisation, que ce soit envers la condition féminine ou les ressources naturelles, c’est simple, il faut cesser.

L’histoire de l’écoféminisme reste encore largement à écrire – et surtout, elle s’écrit au présent
Jeanne Burgart-Goutal
Il reste tout à construire et réinventer, alors partant.e ?
Sources :
Potiche / 03.07.20 / L’écoféminisme, ça vous parle ?
Les couilles sur la table / 30.07.20 / Le patriarcat contre la planète
Excellent article qui résume très bien le mouvement écoféministe, je vous félicite.
A propos de Vandana Shiva, j’ai lu un article (très bien sourcé) il y a quelques temps qui remet clairement en cause son progressisme, je me dis que ça peut vous intéresser : https://www.bunkerd.fr/vandana-shiva/
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Merci Léo pour ton retour et pour cette source que je vais consulter 😉
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